Damnatio Memoriae

L’histoire débute loin de Londres, au fin fond de la campagne anglaise. La famille d’Arthur était des fermiers lambda, ils survivaient avec le peu d’argent qu’ils produisaient et vivaient une vie difficile. Arthur fut le dernier enfant né d’une grande fratrie de six enfants. Un petit grain de sable des plages froides anglaises.

Durant l’enfance, Arthur avait l’âme vagabonde. Ses parents ne faisaient que peu attention au petit dernier, personne n’avait le temps de s’occuper de lui. Sa mère était une femme au foyer qui jonglait entre ses filles et l’entretient de la maison, tandis que son père passait bien plus de temps à traire les vaches qu’à faire attention à l’éducation de ses fils. Aucun des deux ne savait lire, écrire ou en tout cas Arthur ne l’aurait jamais deviné.

Le vendeur de fleurs n’était pas le plus agréable de tous les gamins et si vous lui demandiez un peu plus d’informations sur son passé il vous répondra certainement l’un de ces longs mensonges sans aucune logique.

« D’où je viens ? Je suis né dans un château au large d’une île inconnue ! Quand des pirates ont abattu ma famille et mis feu à mon héritage, j’ai décidé de rejoindre Londres. Depuis, je les traque, en espérant qu’un jour, ils viennent acheter un bouquet de fleurs. »

Des mensonges.

Cependant l’enfance d’Arthur ne se tient qu’à une seule rencontre, celle pour qui il déplacerait des montagnes : Alice. Une jeune fille, qui depuis, il n’a jamais réussi à quitter. Les deux enfants s’étaient rencontrés un après-midi, au bas d’une école qu’Arthur ne fréquentait pas. Alice était une petite orpheline recueillie depuis plusieurs années par l’institutrice du village. Très vite, Alice s’amusa à jouer les maîtresses avec son nouvel ami et lui apprit à lire, écrire, compter et par-dessus tout à rêver.

Ils se construisirent ainsi, inséparables. Arthur passait tout son temps loin de sa famille, des reproches incessants et Alice, elle, partageait ses longues journées avec ce frère dont elle avait toujours rêvé. D’enfants, ils devinrent adolescents et à cet âge, les mauvaises nouvelles leur tombèrent dessus.

La famille d’Arthur s’endettait de jour en jour, les reproches fusaient à l’encontre du jeune garçon qui passait ses journées à flâner. Le monde allait bientôt s’écrouler, mais que pouvait-il bien faire ? Arthur avait douze ans, à peine, et il ne se voyait pas continuer sa vie à se lever aux aurores pour traire des vaches pas spécialement aimable.

À douze ans on ne réfléchit pas, on court dans la gueule du loup.

« Et si nous partions vivre loin d’ici ? »

Alice lança la grande aventure à Arthur. C’était comme les héros de ses contes, découvrir le monde, rencontrer des êtres enchantés sur son chemin. Qu’allait-il répondre à ça ? Il ne pouvait refuser, mais l’accepter… Accepter de partir à l’inconnu sans une affaire, sans un sou, même à douze ans on a de quoi émettre des doutes.

L’aventure se mit de côté, le temps d’économiser quelques pièces de quoi payer un billet de train pour le plus loin possible. Les jours passèrent et Arthur se découvrit une sombre passion pour le travail manuel. Non pas qu’il aimait soudainement la ferme, mais gagner quelques sous ici et là le poussait à travailler.

Un an, deux ans, trois ans…

Les années s’écoulèrent, le rêve commençait à s'évanouir, la malchance noyait le reste. Les quelques sous économisés disparaissaient toujours. Un vêtement usé à remplacer, une blessure à soigner, de nouveaux livres à acheter et puis finalement…

Alice eut dix-huit ans. « Allons-y mon frère, partons ce soir.
— Comment veux-tu partir ? Sans un sou, sans aucune aide.
— Nous cherchons depuis trois ans à quitter ce village, aujourd’hui nous devons provoquer la chance une bonne fois pour toutes ! »

Alice avait les idées en place, ce qui avait inquiété Arthur sur l’instant, mais le moment avait été trouvé. Une lettre lui avait été parvenu dans la matinée, la jeune femme sans famille, recueillie à ces cinq ans venait de retrouver signe que tout n’était pas perdu.

Quelqu’un vivait à Londres, une grand-mère parait-il. Un dernier espoir qui sonnait enfin comme de la chance. C’est ainsi que Arthur et Alice fièrement baptisés Green quittèrent le village avec une valise abîmée en main. Le voyage fut long, périlleux, avec comme unique indice le nom d’une vieille mégère qui risquait de mourir avant leur arrivée en ville.

La chance commençait pourtant à sourire. Il était si rare, voir impossible que de si jeunes gens avec un destin si calamiteux puissent décider de par eux-mêmes où aller et qui devenir. Pourtant Arthur l’avait décidé, la chance allait être provoquée. C’est ainsi qu’à seize ans, il arriva à Londres, accompagnée de sa sœur qu’il ne lâchera certainement plus jamais d’une semelle.

La vieille dame n’était pas riche, loin de là, elle était au bord de la ruine et son commerce ne payait pas de mine. Que pouvaient bien faire deux gamins pour survivre dans une si grande ville ? Il n’y connaissait rien… Des fleurs ? Qui pouvait bien acheter des fleurs ?

Deux ans se sont écoulés, à vendre des journaux sur les grandes rues, à arnaquer de ses sourires quelques passantes et à crier sur les toits les nouvelles affaires de la boutique. Deux ans à donner des coups de couteau à la chance pour ne pas voir le magasin fermer. Les jours étaient interminables et le soir quand il lui restait ces dernières forces, Arthur griffonnait ses aventures sur le papier.

Aujourd’hui, Arthur a dix-neuf ans. La vieille dame tient toujours cette boutique qui depuis plusieurs mois maintenant a réussi à remonter la pente. Il vit à l’étage de celle-ci, avec sa sœur et celle qui considère à moitié comme sa grand-mère « la sauveuse ». Les liens du sang n’ont que faire dans son histoire. Il ne parie que sur la chance et le courage d’agir.

Sa vie n’est pas si trépidante vous direz-vous, mais après tout, elle ne vient que de commencer.

Cette nuit-là...

Une voix une nuit qui sonnait étrangement familière dans son esprit, il ne pouvait ni la voir, ni la toucher. Des murmures qui se répétaient comme les nuits précédentes, un sentiment de calme, un cœur apaisé et l'envie de se baigner dans l'océan. Ce n'était que des rêves, il n'y avait rien de plus ? Ce n'était à n'y rien comprendre et finalement les premières idées commencèrent à se suivre, à s'installer. Quelque chose de nouveau prenait place autour de lui et Arthur n'avait qu'une seule hâte, découvrir jusqu'où cette nouvelle histoire pourra le mener.

C'était un appel.